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La fabrique de la performance

Un titre très orgueilleux pour un article que j'ai déjà modifié une dizaine de fois et que je modifierai probablement encore. Et pour cause, identifier les déterminants de la performance est une tâche proprement impossible et en aucun cas mon intention. À la place, je propose de vous partager mon opinion sur les fondamentaux de la performance. Contrairement aux précédents articles, celui-ci est donc centré sur mon point de vue et non sur des faits exclusivement avérés. Cette opinion est bien évidemment biaisée car elle est influencée par ma propre expérience de sportif de haut-niveau. Bien que cette expérience m'apporte une certaine légitimité, elle m'oblige à redoubler de vigilance afin de ne pas faire de mon cas une généralité.

Après une introduction et une définition de la performance, les éléments suivants seront développés :

  1. L'efficacité du mouvement explore l'importance d'un geste efficace.
  2. La personnalisation discute d'un sujet qui m'est très cher - l'individualisation de l'entrainement.
  3. Le mental et le cadre d'entrainement aborde l'aspect plus psychologique de la performance.

Bien, commençons par adopter une définition de la performance. Je vous propose de choisir la suivante : une performance sportive est un résultat (chrono, distance, poids...) réalisé par un.e sportif.ve amené.e au maximum de ses capacités physiques et psychologiques actuelles. Trois éléments sont importants dans cette définition.

Le premier est le terme "actuel". Il introduit une dimension temporelle et implique que le niveau de performance est fonction de l'évolution des capacités de l'individu et des conditions extérieures.

Le deuxième élément est l'exclusion de toute comparaison avec d'autres athlètes. L'objectif d'un entraineur est d'amener un sportif au bout de ses propres qualités physiques et mentales. Si un sportif a les capacités pour courir un 100m en 11s et que son record est de 11s, il s'agit une performance. A l'inverse, si un athlète a les capacités pour courir 10s au 100m mais qu'il ne le court qu'en 10'50s, ce n'est pas une performance.

Le troisième élément découle directement du précédent : comme la performance se définit par rapport à l'athlète seul, les différences de niveau dûes à des génétiques extraordinaires n'entrent pas dans l'équation. Ce point est très important car dans certains sports, une génétique particulière est synonyme d'un bon / haut niveau. Par exemple : un sauteur en hauteur ou un basketteur de niveau mondial mesure rarement moins d'1m80. Cette exclusion du facteur génétique rend également plus facile le traitement des cas de certaines blessures causées par un facteur génétique ou héréditaire. Car si une bonne génétique peut avantager un.e sportif.ve, une mauvaise peut également le désavantager par rapport à des concurrent.e.s.

Je voudrais terminer cette introduction par rappeler la priorité de tout entrainement : éviter les blessures. Les blessures sont le premier frein à la performance. Tant en compétition qu'à l'entrainement, elles signifient que le sportif n'est pas à 100% de ses capacités. Comment se dépasser si on ne parvient pas à être à son niveau et s'entrainer correctement ? Il est donc primordial de préserver au maximum l'intégrité physique des sportifs. L'histoire du sport de haut-niveau est jonchée de talents arrêtés en plein élan ou de carrières avortées pour cause de blessures. La performance commence donc par la prévention des blessures.

Note

Il n'est pas anormal d'avoir de petits « bobo » lorsque le corps arrive proche de ses limites. Mais ces gênes doivent rester sous-contrôle et limitées dans le temps.

Et voilà ! Nous pouvons maintenant passer à la première partie : la technique ou l'efficacité du mouvement.

Ariston est sur la plus haut marche du podium !Ariston est sur la plus haut marche du podium !

L'efficacité du mouvement

La technique ou l'efficacité du mouvement se définit simplement : le mouvement le plus efficace avec un minimum d'énergie. Cette définition implique qu'il ne s'agit pas simplement du geste qui nous permet de courir le plus vite ou de sauter le plus haut mais de courir le plus vite ou de sauter le plus haut avec un minimum de dépenses énergétiques.

À mes yeux, la recherche de l'équilibre optimale entre performance et dépense énergétique est véritablement l'une des clefs de la réussite. Car en plus d'éviter l'épuisement physique et psychologique du sportif, un mouvement peu énergivore est un mouvement reproductible.

En compétition, ce mouvement reproductible va permettre de multiplier les essais proches de nos capacités maximales et construire des repères. En enchainant les "bonnes" compétitions, la technique s'affine et les probabilités de se dépasser augmentent. Lorsque des performances à 90-95% du record deviennent la norme, un nouveau record n'est pas loin. Cette phrase est vraie dans les sports individuels mais également dans les sports d'équipe. Dans ce dernier cas, il est simplement plus difficile d'estimer la valeur objective d'un record.

Bien sûr, avec une bonne dose de chance, il est possible que les planètes s'alignent le jour J et que le sportif arrive à nous sortir le mouvement parfait dans les conditions idéales. Mais le haut-niveau ne se construit pas en lançant les dés et croisant les doigts.

Aussi, ce mouvement reproductible a une autre conséquence très importante : la continuité entre l'entrainement et la compétition. Dans les paragraphes précédents, je discutais de l'enchainement des compétitions à 90-95% de notre record. L'objectif de l'entrainement est d'enchainer les répétitions avec des intensités comprises entre 50% et 90%. Cette continuité permet la construction de repères solides qui mettent le sportif en confiance et lui donnent des intentions d'actions très claires. Il pourra ainsi facilement transférer les compétences travaillées à moyenne intensité vers des intensités plus élevées.

Note

Certains sportifs sont très à l'aise avec des niveaux d'intensité élevés aux entrainements. Ils auront besoin de peu de compétitions « de réglage » pour transférer le travail réalisé en entrainement vers la compétition.

Si le premier objectif de l'entrainement est de ne pas se blesser, le deuxième objectif est de préparer l'athlète à se dépasser en compétition. Il est extrêmement frustrant pour un athlète de sentir que l'entrainement et la compétition appartiennent à deux mondes différents. Frustrant mais aussi très courant ! Il n'est pas rare de voir des champions de l'entrainement qui ne parviennent pas à transférer leur niveau en compétition. Ou à l'inverse, la phrase "j'ai besoin de l'adrénaline de la compétition" est souvent entendue aux bords des pistes et terrains de la part d'athlètes qui doivent dépenser une énorme quantité d'énergie pour atteindre un niveau correct.

Ces situations reflètent le manque de reproductibilité du geste technique et la perte de continuité entre l'entrainement et la compétition. La prochaine partie sur la personnalisation est justement dédiée à la recherche d'une technique efficace et peu énergivore.

L'objectif technique du sportif n'est pas d'achever un mouvement parfait mais de reproduire un mouvement efficace le plus souvent possible.

La personnalisation de l'entrainement

La recherche d'un mouvement efficace et reproductible conduit rapidement à la conclusion suivante : il n'existe pas une unique technique mais plusieurs. Et, c'est à ce moment que le fun commence ! Chercher la technique idéale pour un sportif est un challenge assez grisant.

Il existe plusieurs méthodes d'individualisation qui, dans la plupart des cas, sont complémentaires. Mes préférées sont : l'essai-erreur, l'étude de la morphologie et les Préférences Motrices®.

Comme son nom l'indique, l'essai-erreur consiste à essayer plusieurs techniques et conserver la plus efficace et reproductible. Cette sélection impose deux conditions :

  1. La connaissance de plusieurs techniques alternatives : un répertoire de techniques trop limité restreint la sélection du geste efficace à une fraction des possibles et augmente la probabilité de ne pas proposer une solution convenable. A l'heure actuelle et avec nos moyens techniques, il est facile d'étudier des vidéos ou de participer à des colloques afin de parfaire ses connaissances sur un sport donné.
  2. La mise en place de moyens de contrôle : la découverte d'un geste efficace est rapidement visible. Une fois la consigne énoncée, le sportif enchaine les mouvements performants. Afin de déterminer l'existence et le degré de cette amélioration, un moyen de contrôle objectif est nécessaire. Il peut s'agir d'un meilleur test de Vo2Max, une distance plus longue sautée, un chrono plus rapide, un poids plus lourd soulevé, une fréquence de passes réussies plus élevée...

Note

Je me répète mais la performance seule ne compte pas, il faut également que le nouveau geste soit reproductible c'est-à-dire que le sportif soit capable d'enchainer son nouveau geste sans difficulté.

La deuxième méthode est l'étude de la morphologie du sportif. Cette pratique est très répandue dans les sports de force (haltérophile ou powerlifting) et de combat. Certains professionnels sont des experts dans la recherche des points forts et faibles de combattants (par exemple : Matthieu Toulza). Mes principaux points d'attention sont :

Note

Bien sûr, toute autre observation anatomique (forme des os, rigidité musculaire...) est aussi pertinente.

Enfin, ma troisième méthode préférée est les Préférences Motrices®. Il s'agit de ma méthode préférée...préférée ! Un article futur y sera également consacré et je ne présenterai ici qu'un bref résumé. Dans l'intervalle, je vous conseille de consulter le site du laboratoire Volodalen.

Les Préférences Motrices® sont un ensemble de concepts développé afin de décrire les schémas moteurs préférés de notre corps. En voici quelques-uns :

Correctement déterminées, ces préférences offrent une cartographie du mouvement d'un individu et permettent de déterminer quels types de mouvement conviennent le mieux à un sportif.

Note

Étant donné mon parcours, je mentionne très souvent le laboratoire Volodalen. Mais il existe d'autres structures spécialisées dans les préférences motrices dont Action Types.

L'objectif est de trouver le juste milieu entre un mouvement efficace du point de vue physique (exemple : décoller plus haut en saut à la perche pour amener le centre de gravité plus haut et ainsi sauter plus haut) et du point de vue du sportif (exemple : mettre une flexion de hanche au moment du décollage pour engager les fessiers).

Bien, finissons cet article par un petit mot sur l'aspect mental du sport de haut-niveau !

Le mental et le cadre d'entrainement

Le sport de haut-niveau est un marathon. Une carrière sportive peut s'étendre sur plusieurs décennies. Il est illusoire de penser qu'il s'agit d'une longue période peuplée uniquement de succès. Une carrière est remplie de hauts et de bas, de périodes de succès pendant lesquelles le sportif a l'impression que tout lui réussit mais aussi de périodes de méforme ou de blessures.

L'un des objectifs de l'entrainement mental est d'augmenter la résilience du sportif et sa capacité à traverser les périodes de blessures ou de contre-performances. Pour cela, les coachs mentaux disposent d'un éventail de techniques qui sortent complètement du cadre des connaissances d'un préparateur physique.

Néanmoins, un entraineur peut avoir un énorme impact sur la santé mentale des sportifs en proposant un cadre stable, sain et motivant. "Stable" car une carrière prend du temps à construire. Il est important d'enlever tout stress d'une obligation de réussite immédiate. "Sain" car la relation d'un sportif avec son entraineur ou ses coéquipiers doit être basée sur l'écoute et le respect. "Motivant" car la motivation interne d'un sportif ne suffit pas. Un bon cadre est reconnaissable par des athlètes qui arrivent aux entrainements avec le sourire et l'envie de se dépasser.

D'ailleurs, ce cadre n'est pas la seule responsabilité de l'entraineur. La famille, l'entourage médical et professionnel (les partenaires commerciaux, les manageurs et les fédérations, par exemple) ont également un grand rôle à jouer. Je peux affirmer d'expérience que si un sportif est plongé dans un environnement stable, sain et motivant, une énorme partie du travail de préparation mentale devient superflue. Mais si le cadre général n'est pas bon, la moindre contrariété peut causer des contre-performances. Les exemples courants sont la pression des sponsors ou la peur de décevoir ses supporters qui peuvent pousser le sportif à abandonner ou prendre des risques inutiles.

Illustration de l'individualisation de l'entrainementIllustration de l'individualisation de l'entrainement
Illustration de l'individualisation de l'entrainementIllustration de l'individualisation de l'entrainement

Personnellement, je vois beaucoup trop de (jeunes) athlètes s'enfermer dans des fausses croyances ou se mettre dans des états de stress extrêmes. En plus d'un travail avec un.e professionnel.le de la préparation mentale, je suis persuadé qu'un cadre de travail solide est la clé de l'épanouissement d'un sportif et de la performance. Ce cadre peut évidemment être très différent en fonction des besoins du sportif. Certains ont besoin de grands groupes d'entrainements plein de bruits et de relations amicales tandis que d'autres préfèrent le calme de petit comité pour mieux se concentrer. L'essentiel est que ce cadre convienne au sportif et soit stable.

J'ai insisté sur le cadre d'entrainement car la responsabilité de la création d'une bonne ambiance de travail incombe aux entraineurs et préparateurs physiques. Mais la préparation mentale ne s'arrête pas là ! Il existe de nombreux autres objectifs comme la capacité à se mobiliser lors de compétitions importantes, le lâcher-prise face aux événements incontrôlables, le rapport à l'estime de soi et aux performances sportives, la gestion du stress...

Note

Lors de ma propre carrière, je voyais mes séances avec ma coache mentale comme de vrais entrainements. À la place des muscles, ma psyché était entrainée.

Et voilà ! Nous sommes arrivés au bout de cet article sur la performance. Merci beaucoup pour votre lecture et votre attention. Je suis bien-entendu ouvert à toute suggestion et discussion sur le sujet ! Il n'existe pas de vérité absolue sur la performance, seulement des pistes de travail.

Comme dernier conseil, j'aime proposer à ceux qui se lancent dans la recherche de performance (sportive ou non) de faire en sorte que ça soit une expérience inoubliable et agréable ! Et cela, peu importe si vous atteignez vos objectifs ou non... La passion doit rester amusante et plaisante !

Sportivement,

Arnaud

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